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Upro-G Challenge

Le mystère de Montrouge

Challenge Upro-G – Février – Un fait divers

Pour préparer ce post, je me suis plongée dans les journaux anciens en ligne (sur le site des Archives départementales de la Vendée), et notamment dans les exemplaires d’un journal intitulé La Vendée Républicaine : http://recherche-archives.vendee.fr/archives/fonds/FRAD085_4num291 .

J’avais déjà eu l’occasion de fouiller dans ce journal, notamment dans les tous petits articles mentionnant les faits divers ayant eu lieu dans région. Ils relatent des faits variés dont certains sont truculents :

La Vendée Républicaine, décembre 1886 – 4 Num 291/1
La Vendée Républicaine, décembre 1886 – 4 Num 291/1

Mais l’un d’eux a particulièrement attiré mon attention. Il s’agit de celui-ci :

La Vendée Républicaine, décembre 1886 – 4 Num 291/1

La découverte d’une partie de corps humain est assez rare dans une ville comme la Rochelle. Mais ce qui a piqué ma curiosité n’est pas tant la découverte que la référence à la femme découpée en morceaux de Paris.

J’ai donc voulu chercher cette femme.

Pour situer le contexte, M. Taylor, mentionné dans l’article, est le Chef de la Sûreté de Paris entre 1885 et 1887. C’est son service qui est en charge de l’affaire. Le cadavre de cette femme a été trouvé le 05 août 1886 à Montrouge (sud de Paris). Selon les archives anthropologiques, il s’agit d’une femme de 22 ans, dépecée en 7 morceaux. Le magasine Détective revient sur cette affaire dans un long article sur les dépeceurs, en avril 1938. On y apprend que la tête de la victime manquait au moment où elle a été découverte.

Archives de l’anthropologie criminelle – Tome 1 – 1886

J’ai continué mes recherches avec la presse. Le Journal de Roubaix, en novembre 1900, nous fait un état, une sorte d’étude, sur les dépeceurs. Dans cet article, le journaliste parle de plusieurs cas de dépeçage, et notre affaire y apparait. Malheureusement, elle est relatée dans les affaires non élucidées. Toutefois, quelques informations supplémentaires viennent compléter mes recherches : les morceaux de la femme de Montrouge avaient été « enveloppés dans une toile cirée blanche, du genre de celles qui servent à couvrir la table de famille, dans les ménages pauvres ». Une sorte de fil à fouet a également été utilisé pour nouer la toile, accompagnée d’un morceau d’étoffe. L’auteur nous apprend que cette toile a également été utilisée dans un autre meurtre à Ménilmontant (20e arrondissement de Paris) en 1886. Sur cette affaire, l’assassin avait fait deux paquets avec les restes de sa victime et les avait jetés à deux endroits. Même chose que pour le meurtre de Montrouge, deux ans plus tard. On peut donc être en droit de se poser la question d’un même assassin pour ces deux affaires…

Extrait de l’article du Journal de Roubaix – Novembre 1900

J’ai fait la demande du dossier d’instruction à la Préfecture de Paris. Je suis pour l’instant dans l’attente de la réponse des services, je ne manquerais pas de vous tenir au courant !

Donc, à ce jour, le mystère de Montrouge (et par extension celui de Ménilmontant) reste entier.

Upro-G Challenge

La cloche de brume

Challenge Upro-G – Janvier – Une cloche

Quand la mer joue des tours aux marins et aux habitants des côtes, il est bon de trouver des moyens de se protéger. La cloche de brume (ou corne de brume) en est un.

Les bateaux en sont tous dotés.

Mais je voulais vous parler de celles qui sont installées sur les côtes et dans les ports, afin de permettre aux marins de trouver facilement leur chemin par temps bouché. Les cloches de brume ont le même rôle que les phares, en utilisant le son. Un code est d’ailleurs employé et connu des marins, selon les messages à faire passer.

En Vendée, on trouve des cloches de brumes dans plusieurs ports, et notamment celui de Port-Joinville sur l’Ile d’Yeu. Le Conseil général de la Vendée en a demandé l’installation à l’extrémité de la jetée nord-ouest du port en 1889. Il souhaitait alors coupler cette installation avec la mise en place d’une sirène dans « le grand phare de l’île ».

Grand Phare de l’Ile d’Yeu – Source : site internet des Phares de France

La sirène du phare ne sera installée que plus tardivement, car elle dépend de l’alimentation électrique du phare, elle-même ajournée.

Toutefois, la cloche est jugée nécessaire pour « assurer, en temps de brume, aux embarcations de pêche et au bateau-poste de l’Ile d’Yeu les moyens de ne pas manquer l’entrée du port à l’heure de la marée » (lien vers les actes du Conseil général de Vendée).

La cloche sera finalement mise en place à l’extrémité de la passerelle de la Galiotte, et ce, sur conseil des ingénieurs des Ponts et Chaussées. Le montant des travaux est estimé à 520 francs, et est financé par le Conseil général. La commune de Port-Joinville assure en contrepartie les frais de fonctionnement du signal sonore. La cloche était actionnée manuellement par les habitants.

La passerelle de la Galiotte, ou estacade, a été construite, quant à elle en 1880. Elle mesure 205 mètres de long et était utilisée comme chemin de halage pour accoster au retour de la pêche. Aujourd’hui, la passerelle de la Galiotte est en cours de déconstruction.

En 1930, la cloche de brume de Port-Joinville a été emportée par une tempête comme le témoigne l’article ci-dessous.

La Parole Républicaine – 08 février 1930 – Source : Archives départementales de Vendée

Les cloches du port de l’Herbaudière (sur l’île de Noirmoutier, et en image ci-dessous) et du port de Saint-Gilles ont été installées en 1899.

Archives départementales de Vendée – 1 Num 381-41
histoire familiale

Louis, le bagnard de Cayenne

Épisode 3/3

Si vous avez manqué le début : épisode 1

Louis DAVID est arrêté le 16 octobre 1937, incarcéré à Nantes, puis à Fresnes, et enfin à Ensisheim (près de Mulhouse). Le 10 octobre 1938, il est amené à l’Ile de Ré d’où partent les bateaux pour la Guyane. Le départ est prévu le 22 novembre 1938, de Saint-Martin-en-Ré, il se fera finalement le lendemain, pour cause de mauvaise météo.

Un article de presse de l’Ouest-Eclair nous raconte ce départ :

Ouest-Eclair – 29 novembre 1938

609 condamnés embarquent, le bateau prend le large à 17h. Les prisonniers débarquent le 13 décembre dans le port de Saint-Laurent-du-Maroni.

A partir de là, pour continuer mes recherches, je me suis tournée vers les Archives nationales d’outre mer (ANOM) basées à Aix-en-Provence. Ce dépôt d’archives conserve notamment les dossiers individuels des condamnés au bagne. Toutefois, ne pouvant pas m’y rendre directement, j’ai fait appel à une connaissance sur place qui a fait des photographies du dossier de Louis DAVID.

Le dossier individuel de Louis DAVID nous apprend une multitude de choses quant à son séjour à Saint-Laurent-du-Maroni.

Commençons par les notices individuelles  établies pour chacune des condamnations ayant valu à Louis la relégation. Au 16 novembre 1937, Louis a 9 condamnations antérieures. La dernière, pour vols, a eu lieu au Tribunal de Nantes le 03 novembre 1937. 6 mois de prison et la relégation. On y apprend également quelques éléments de sa vie : Louis est cultivateur à son compte, à Blain. Toutefois, il n’a pas d’exercice réel de sa profession, vit dans l’oisiveté et est apte au travail. De plus, il vit d’expédients, ne participe pas à l’entretien de sa famille. Il est également mal noté dans sa commune, pratique le libertinage et la débauche, et ne vit pas en concubinage.

Sur la notice suivante, datant du 01 décembre 1937, Louis est sans profession et s’adonne à l’ivrognerie, en plus de tous les éléments ci-dessus. On apprend également qu’il est interdit de séjour dans l’arrondissement de Nantes, interdiction qu’il a, apparemment, bravée.

On lit également qu’il est « apte à la relégation et au travail, et peut être utilement employé dans les travaux de culture ».

Les prisonniers relégués sont classés en deux catégories de relégation : l’individuelle et la collective (pour plus de précisions, c’est ici).

Pour déterminer la catégorie dans laquelle le prisonnier est placé, une Commission de classement étudie chaque cas et donne un avis. Dans le cas de Louis DAVID, le directeur de la prison d’Ensisheim, ainsi que le Préfet de Loire-Inférieure émettent un avis favorable à la relégation collective. La Commission de classement du 08 novembre 1938 confirme cet avis : « pas lieu d’admettre au bénéfice de la relégation individuelle, ni de lui accorder de dispense de départ, a lieu de le diriger vers la Guyane ». Louis DAVID est, selon ce même avis, en « bon état général, sans ressources et voleur incorrigible ». Il est classé en relégation collective.

Comme nous l’avons vu plus haut, Louis DAVID arrive en Guyane le 13 décembre 1938. Pendant environ une année, Louis DAVID ne fait pas parler de lui. Au début du mois de novembre 1939, il est arrêté « sur la route du chantier forestier avec son co-relégué Durnstein, possesseur de palettes qu’ils venaient de dérober » (mention faite sur le bulletin de demande de punition daté du 13 novembre 1939 inhérent à cette arrestation). La condamnation suite à ce méfait est de 15 jours sans salaire, par la Commission disciplinaire du 18 novembre 1939.

Le 27 février 1940, Louis DAVID est de nouveau condamné à 6 mois de détention pour escroqueries par le tribunal de première instance de Maroni.

Le 24 septembre 1939, Louis DAVID s’évade. Il est signalé par procès-verbal de constatation d’absence du 25 septembre 1939. Il part de Saint-Louis, traverse le fleuve Maroni grâce à des membres de la tribu Bosch, qui échangent sa traversée contre sa vareuse de laine. Il a ensuite travaillé pendant 21 jours pour une tribu bosch, puis 33 jours pour la police hollandaise. On trouve ces éléments rapportés par Louis DAVID lui-même dans le rapport de son interrogatoire ayant eu lieu le 18 novembre 1940. Il est ensuite condamné à 18 mois de prison et 31.20 francs d’amende le 26 novembre 1940.

Au début de l’année 1942, Louis DAVID engage une procédure de demande de libération conditionnelle auprès du Procureur. A cette époque, il est en mauvaise santé, la malaria sévit dans le camp. Pas moins de quatre échelons administratifs sont à gravir, quatre avis sont à obtenir avant la décision finale : la Commission disciplinaire de dépôt de relégation le 27 janvier 1942, le juge de paix le 24 mars, le Procureur général le 04 avril et le Chef des services pénitentiaires coloniaux le 15 avril. Tous ces avis sont défavorables. Louis DAVID a été condamné à 45 jours de cellule pour « dissipation d’effets et mauvaise volonté au travail, et défaut de tâche ». Il est également qualifié de « travailleur médiocre », et on juge qu’il « ne mérite pas la faveur qu’il sollicite ». Le Gouverneur rend sa décision finale le 15 juin 1942 : « Rejeté ».

Louis DAVID meurt le 10 mars 1942, à 05h30, « des suites d’une dysenterie aigüe chez un cachectique » (selon le bulletin de décès émis à Saint-Laurent-du-Maroni », soit trois mois avant que la décision le concernant soir rendue.


Ainsi se termine l’histoire de Louis DAVID, le bagnard de Cayenne.

Merci à Jean-Louis pour m’avoir permis de travailler sur cette histoire, j’ai appris beaucoup de choses sur le bagne, sur la relégation, sur les conditions de vie des prisonniers, sur le contexte historique de l’époque.

histoire familiale

Louis, le bagnard de Cayenne

Épisode 2/3

La relégation, c’est quoi ?

Cette semaine, je voulais vous faire une petite présentation de ce qu’est la relégation. Cela fait suite à l’article de la semaine (ici) dernière sur Louis DAVID, le bagnard de Cayenne, qui a été condamné à la relégation. Ce nous permettra de comprendre ensuite les conditions de vie de Louis à Saint-Laurent-du-Maroni pendant les dernières années de sa vie.

Entrée du bagne de Saint-Lauren-du-Maroni – © wikimedia commons – Davric

La relégation, c’est quoi ?

La relégation est un internement à perpétuité en Guyane ou en Nouvelle-Calédonie, de criminels ou de délinquants récidivistes. Les délits sont le plus souvent mineurs : vol simple, rupture de ban, vagabondage.

Est condamnée à la relégation une personne ayant commis un certains nombre d’infractions, et purgé un nombre de peines défini. Si toutes les infractions sont inscrites au casier judiciaire, le juge a pour obligation de prononcer la relégation.

Les condamnés sont alors appelés « incorrigibles ».

« Les récidivistes incorrigibles forment une armée toujours prête pour le désordre et la guerre civile : on en a fait une cruelle expérience lors de l’insurrection de la Commune de Paris. Il en sera ainsi dans toutes les occasions : le récidiviste, déshabitué du travail, aigri par le séjour des prisons, devient l’ennemi irréconciliable de l’ordre social »

(Haussonville, 1874).

De quand date la relégation ?

Elle a été instaurée par une loi du 27 mai 1885, dite loi Waldeck-Rousseau. Elle a été votée à une écrasante majorité.

« Je pars, moi, de cette idée qu’il y a des incorrigibles et qu’un certain nombre de condamnations à raison des faits, de certains délits font la preuve de cette incorrigibilité. […] je crois fermement, profondément, ce qui est la raison d’être de la loi elle-même, qu’il y a des natures incorrigibles, des hommes vis-à-vis desquels il faut prendre des mesures spéciales et pour lesquels les peines ordinaires ne suffisent pas »

(Waldeck-Rousseau, 1885).

Combien de personnes ont été reléguées ?

Entre 1887 et 1953, 17 375 hommes et 519 femmes ont été reléguées en Guyane.

L’espérance de vie y était de 6 ans. La mortalité a beaucoup augmenté pendant la Seconde guerre mondiale.

Comment ça marche ?

La relégation est le résultat d’une « trajectoire criminelle ». L’ensemble des condamnations est pris en compte, ce n’est pas le résultat d’un dernier acte criminel. C’est ce critère qui donne le caractère incorrigible à la personne condamnée.

On voit dans le relégué un homme qui ne pourra jamais se comporter autrement que dans la délinquance. C’est comme un trait de caractère.

La relégation est alors perçue comme un moyen d’endiguer la récidive. Elle est vue comme une mesure de défense sociale.

Deux volets

La relégation a d’abord un volet répressif : elle permet à la métropole de se débarrasser des individus dont elle ne veut plus sur son sol.

Le second volet est colonial : elle permet de fournir aux colonies une main d’œuvre abondante et bon marché. Et elle peut également permettre aux relégués les plus méritants d’avoir une vraie place dans la société en s’installant sur place, en ayant un travail et par conséquent en leur permettant de participer à la grandeur et au développement de l’Empire colonial français.

Deux régimes

La relégation individuelle :

Peuvent en bénéficier les relégués ayant des moyens financiers suffisants pour se prendre en charge sur place, et cela doit être accompagné d’une bonne conduite pendant toute leur détention.

Les relégués individuels sont libres sur place, et ils ont la possibilité de trouver un travail ou d’avoir une concession. Une seule condition : ne pas quitter la colonie.

La relégation collective :

Tous les autres : ceux qui n’ont pas les moyens financiers nécessaires. Dans ce cas, ils sont pris en charge par l’Etat et doivent travailler pour lui. Cela prend la forme de travaux forcés dans un pénitencier (Saint-Jean-du-Maroni ou camps annexes).

La relégation collective est perçue par le législateur comme une sorte de tremplin vers la relégation individuelle. Car il est possible de passer de l’une à l’autre. Comment ? La première condition est la bonne conduite. La seconde condition est le versement d’une caution de 100 francs. Le passage à la relégation individuelle est donc très rare. D’autant plus que les relégués individuels sont interdits de séjour à Cayenne, donc interdits de séjour dans un des seuls endroits où ils pourraient trouver du travail.

Vue du camp central des relégués et des locaux disciplinaires – © Collection particulière Association Meki Wi Libi Na Wan.

Quelles conditions de vie ?

Les conditions de vie sont très mauvaises, très dures. Le manque de médicaments et de nourriture augmente la mortalité, surtout au moment de la Seconde guerre mondiale.

La plupart des prisonniers souffre du syndrome cachectique. Ce syndrome se caractérise par plusieurs symptômes :

  • Pâleur extrême des téguments parfois, lividité 
  • Amaigrissement considérable avec œdèmes et bouffissure des membres inférieurs ou de la face (plus ou moins accusés) 
  • Anémie profonde
  • Diarrhée profuse

Le médecin ne peut pas enrayer cette situation, surtout depuis le début de la guerre. Selon un de ses témoignages, la plupart des prisonniers sont dans un état « lamentable » et en détresse physiologique, notamment ceux maintenus en prison (ce qui est le cas de Louis DAVID en février 1942, nous le verrons dans le dernier épisode de la série).

Cette situation ne s’améliore guère, car le gouverneur de l’époque ne pense pas que l’état des prisonniers soit du aux mauvaises conditions de détention et à l’absence de nourriture. Selon lui, les décès sont dus à la « mentalité » des relégués :

« J’ajoute que ce n’est vraisemblablement pas pendant les heures de travail pour l’Administration où les relégués sont sous la surveillance du personnel mais bien plus pendant les heures de travail pour la « camelote » et la débrouille qui n’a pas d’autre but que de permettre aux relégués de satisfaire leurs vices et leurs instincts anormaux ou de faciliter leurs tentatives particulièrement débilitantes d’évasion que leur santé s’altère. Pour se procurer des papillons, l’osier, le raphia et les bois durs nécessaires à la confection de petits objets destinés à leur fournir des fonds pour des fins inavouables ou criminelles les relégués ne prennent aucun soin des conditions sanitaires des sols marécageux qu’ils doivent traverser, de la qualité de l’eau qu’ils boivent alors, ni aucune mesure d’hygiène et c’est à ce moment surtout qu’ils contractent les affections qui inquiètent ».

Voici comment Albert Ubaud, fonctionnaire civil de l’administration pénitentiaire, décrit certains d’entre eux à leur arrivée au pénitencier de Saint-Laurent comme de véritables « squelettes » :

« Hommes squelettes.
Un jour que je me trouvais à l’intérieur de la maison de Détention, je vis une vingtaine d’individus alignés le long d’un mur, nus comme pour une revue d’incorporation. C’était des “relégués” amenés de Saint-Jean où se trouve le dépôt de la relégation. Ils étaient là, tous nus sous le soleil, attendant d’être fouillés avant de regagner le local qui leur était affecté. Sur le sol étaient placés leurs vêtements. À quelque distance il s’en trouvait une demi-douzaine adossée au tronc d’un arbre à pain ou couchés sur le sol. Ceux-là n’avaient pu aller plus loin. Ce n’étaient plus des hommes : c’était des squelettes. On avait l’impression qu’ils venaient de s’échapper de l’amphithéâtre. Le spectacle était horrifiant. L’on se demandait comment certains d’entre eux pouvaient encore se tenir debout. Après l’inspection de leurs effets, ils durent se rhabiller. Alors, ce fut une scène navrante ! La plupart de ceux qui tentèrent de se baisser pour ramasser leurs hardes s’effondrèrent, l’un après l’autre, comme soufflés. Ils ne purent se redresser seuls. On dut faire appel à des porte-clés qui les transportèrent à dos jusqu’au local, sous le clocher du Camp. Ceux qui se trouvaient adossés à l’arbre rejoignirent la case en se traînant sur le sol comme des cul-de-jatte  ».


Pour en savoir plus sur la relégation, je vous conseille de lire l’article suivant : https://www.cairn.info/revue-geneses-2013-2-page-71.htm

De plus, l’émission de radio de France Inter, La Marche de l’Histoire, a également consacré un épisode sur le bagne de Cayenne : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-marche-de-l-histoire/le-bagne-de-guyane-2523474


Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour le troisième et dernier épisode sur l’histoire de Louis, le bagnard de Cayenne…

Merci !

histoire familiale

Louis, le bagnard de Cayenne

Épisode 1/3

Louis le Bagnard de Cayenne… C’est comme ça qu’on l’appelait dans sa famille. Il a alimenté les conversations de ses cousins pendant longtemps, d’autant plus que personne ne savait vraiment pourquoi il était allé au bagne. Un jour, Jean-Louis, son petit cousin, m’a demandé de l’aider à comprendre cette histoire qui attisait sa curiosité. Il avait déjà interrogé quelques contemporains de Louis, mais même ceux-là n’en savaient pas grand-chose.

Nous avons donc démarré notre enquête. Tout commence par quelques coupures de presse trouvées par Jean-Louis, il avait commencé à chercher de son côté. Ces coupures datent des années 1936 et 1937, elles relatent quelques-uns des faits d’armes de Louis : abus de confiance, insoumission vol, escroquerie.

Grâce à la presse, nous avions déjà un aperçu du parcours de Louis.

J’ai ensuite consulté la fiche matricule de Louis. J’ai pu établir son état civil : Louis Paul Joseph Marie DAVID, né à Blain le 25 juillet 1907. Il est le fil de feu Louis Gilles Marie DAVID et de Anne Marie MARTIN. Il vit à la Mazonnais à Blain.

Extrait de la fiche matricule militaire de Louis DAVID

J’ai ensuite continué mes recherches dans les fonds d’archives judiciaires. Les dépôts d’archives départementales conservent les fonds des institutions judiciaires départementales : tribunaux de première instance, tribunaux correctionnels, justices de paix, etc. Les échelons de ces juridictions ont changé au cours des années, mais notre recherche de situe au début du XXe siècle, c’est donc dans ces fonds que j’ai pu trouver ce que je cherchais.

Grâce aux coupures de presse, je vois que Louis a déjà été condamné plusieurs fois. Je dois donc chercher en amont de 1936, et voir quelles sont ces condamnations. J’épluche donc les répertoires chronologiques des affaires jugées au tribunal de Saint-Nazaire.

Je tombe sur sa première condamnation, en 1929, à 45 jours d’emprisonnement pour vol de poules au préjudice d’une femme DAVID (certainement sa mère).

Je continue mon dépouillement :

23 juillet 1931Abus de confiance6 mois de prison
13 octobre 1932Vol d’une valise contenant des objets mobiliers et des vêtements3 mois et un jour de prison
06 juillet 1933Vol d’une bicyclette et d’un complet, avec chemise, paletot, souliers et casquette6 mois de prison

Les détails des délits sont mentionnés dans les minutes de jugements. Pour chacune d’entre elles, on y trouve les circonstances du délit, ainsi que la peine prononcée. Mais attention, ces documents sont soumis à un délai de communicabilité de 100 ans. Dans ce cas, une demande de dérogation est nécessaire à déposer auprès du Directeur des archives départementales afin d’avoir l’autorisation de consulter ces documents.

A partir de 1933, Louis DAVID purge ses peines à la prison de Nantes. Mes recherches continuent donc dans les archives du tribunal de première instance de Nantes. Je suis le même chemin, en parcourant les répertoires chronologiques.

A Nantes, Louis DAVID n’arrête pas ses méfaits.

04 août 1932Vol6 mois de prison
29 janvier 1934Vol une bicyclette, cinq lames de scie et un canard8 mois de prison
27 janvier 1936Falsification et chèque et extorsion de fonds  
06 octobre 1936Extorsion de fonds et escroquerie 
14 octobre 1936Recel 
20 octobre 1936Insoumission 
26 février 1937Possession d’un briquet non estampillé 
03 mai 1937Escroquerie3 mois de prison
5 ans d’interdiction de séjour
03 novembre 1937Vols6 mois de prison
16 novembre 1937Abus de confiance6 mois de prison
16 novembre 1937Escroquerie6 mois de prison Relégation

La relégation a été prononcée suite au cumul de plusieurs  condamnations précédentes. Elle a été instaurée par une loi du 27 mai 1885, dite loi Waldeck-Rousseau, et été votée à une écrasante majorité.

Est condamnée à la relégation une personne ayant commis un certains nombre d’infractions, et purgé un nombre de peines défini. Si toutes les infractions sont inscrites au casier judiciaire, le juge a pour obligation de prononcer la relégation. C’est le cas de Louis DAVID.

Il purge donc sa peine en métropole, avant d’être envoyé en Guyane, à Saint-Laurent-du-Maroni.


Ici se termine la première partie de l’histoire de Louis le bagnard de Cayenne. Je vous raconte la suite la semaine prochaine, nous le suivrons à Saint-Laurent-du-Maroni…

Upro-G Challenge

Statue du saint-patron d’un lieu de culte

Challenge Upro-G, semaine 19

#projet52uprog

Le saint patron, c’est Saint-Pierre. Le lieu de culte, c’est l’église de la commune du Boupère en Vendée. C’est de là que je viens.

Statue de Saint-Pierre, saint patron de l’église du Boupère (Vendée)

Cette église, elle est emblématique du bourg. Vous savez, elle fait partie de ces choses dont on a tellement l’habitude qu’on ne les voit plus.

La thématique du saint patron a été l’occasion pour moi de revisiter l’église de mon village de façon plus poussée, plus intéressée, plus attentive. Je suis donc allée la revoir, avec un œil nouveau, plus curieux. J’ai pris le temps de la regarder, d’en faire le tour extérieur (je me suis aperçue que je ne l’avais jamais vraiment fait), d’en explorer l’intérieur.

Pour la situer dans le temps, voici quelques dates (c’est mon côté historienne). La construction s’est déroulée en trois temps :

  • A la fin du XIIe siècle, on construire l’église d’origine. Elle est en forme de croix latine, et dotée d’un chœur à chevet plat.
  • A la fin du XVe siècle, l’élargissement sud de l’église est réalisé, et ce en même temps que la reconstruction de la façade occidentale.
  • Au XIXe siècle, un second transept au nord est construit. Le chœur est reconstruit. Nous sommes dans les années 1867-1868. Puis entre 1889 et 1891, le second transept nord et le clocher actuel sont érigés.

Je vous mets un petit plan, histoire de s’y retrouver (source : dépliant rédigé par les services de la mairie du Boupère).

Plan des différentes étapes de construction de l’église depuis le XIIe siècle

Une des particularités de cette église est qu’elle est fortifiée, comme un château-fort. Elle possède des archères et des canonnières, des mâchicoulis, un chemin de ronde couvert (juché à 15 mètres de hauteur), des créneaux, deux guérites sur sa façade, des contreforts. Ces fortifications ont été apportées à l’édifice durant la Guerre de Cent Ans (1337-1453).

Je vous mets aussi quelques photos extérieures de l’église.

Avis aux curieux, aux touristes, aux habitants du coin, si vous souhaitez venir la visiter, elle est ouverte tous les jours, en entrée libre (sauf en cas d’office religieux). Et si vous souhaitez avoir plus amples explications, des visites guidées sont organisées pendant la saison estivale. En basse saison, des audioguides sont à votre disposition au Café des Sports, en bas de la rue (l’occasion de boire un petit café et de causer).

L’histoire même de l’église du Boupère est elle aussi riche et rythmée. Je vous la raconte dans le prochain post ! Un peu de patience !

Upro-G Challenge

Photo d’un poilu

#projet52uprog

Voici mon arrière-grand-père paternel, Germain Charrier, quelques dizaines d’années après la Première guerre mondiale. Il a été poilu, il est arrivé aux Armées le 07 août 1914. Il a été fait prisonnier le 13 octobre 1914 à Roubaix, et interné au camp de Merseburg, en Allemagne (province de Saxe).

Il est rapatrié le 18 janvier 1919, et rentre au dépôt le 22 mars 1919.

4 ans et demi d’absence. Je n’ai malheureusement pas retrouvé de lettres, d’écrits de sa part. Quand il est parti à la guerre, il avait 22 ans, il n’est pas encore marié, il n’a pas encore d’enfants.

Pépé Germain est décédé le jour de mon premier anniversaire, en 1984. J’ai une seule photographie avec lui, prise peu après ma naissance. Dans ses mains immenses, j’ai l’air minuscule. Je ne sais pas comment expliquer ce ressenti que j’éprouve quand je parle de lui, une sorte de paix, de calme. Mon père me dit qu’il était gentil et patient. N’est-ce que ce qui émane de lui sur ce portrait ?

Aujourd’hui, je cherche à en savoir un peu plus sur ses conditions de vie au sein du camp. D’après les rapports de visite rendus par la Croix-Rouge, les conditions n’étaient pas exécrables (nourriture suffisante, installation de douches, disparition de la vermine). Seul le manque de pain quotidien est noté. Mais ce que je veux savoir, c’est le reste : est-ce qu’il travaillait ? Si oui, où ? Que faisait-il ? Toutes ces questions sont en cours de creusement, elles feront l’objet d’un prochain billet !

Upro-G Challenge

Microfilm

#projet52uprog

La vie d’un bagnard, à travers un microfilm…

De nombreux documents d’archives ont été microfilmés avant d’être numérisés. C’est le cas pour l’état civil, travail effectué par les Mormons, tout au long du XXe siècle. Ce travail a commencé dans les années 1960 pour la France. L’église mormone a signé un accord avec le Ministère de la Culture afin de mener ce travail dans les meilleures conditions.

Ces microfilms sont conservés à Salt Lake City (Utah), aux Etats-Unis. Ce travail avait deux principaux objectifs : l’église mormone permettait à ses membres de pouvoir faire baptiser leurs ancêtres français, et les Archives départementales, en France, récupéraient un double de chacun des microfilms. En 50 ans, 80 % de l’état civil métropolitain est microfilmé, et l’accord avec le Ministère de la Culture a été révisé en 1987 et en 2002.

Mais le microfilm ne concerne pas seulement l’état civil…

Un de mes amis m’a un jour demandé de faire quelques recherches à propos du cousin de son grand-père, Louis DAVID. Louis était la personne dont il ne faut pas parler dans la famille, celui qui fascine, celui dont tout le monde a une anecdote à raconter à son propos, mais celui dont finalement on ne sait pas grand-chose.

Mon ami avait déjà commencé les recherches, en collectant des coupures de presse et les témoignages des anciens de sa famille sur les petits délits que Louis avait commis qui l’avait conduit jusqu’au bagne. Ce fut le début de l’enquête.

J’ai commencé par chercher, et trouver, les jugements des tribunaux de Nantes et Saint-Nazaire le concernant. Et à travers cela, la condamnation au bagne en 1938. Louis est parti à Saint-Laurent-du-Maroni avec le dernier bateau, depuis Saint-Martin-de-Ré (Charente-Maritime), en novembre 1938.

Mes recherches continuent, car je savais que les dossiers des bagnards étaient conservés aux Archives nationales de l’outre-mer, à Aix. Je ne pouvais pas m’y déplacer, un très chouette monsieur, prénommé Serge, a fait ces recherches pour moi sur place. Il a pu consulter le dossier individuel de Louis DAVID, dont une partie est sur microfilm (petit extrait ci-dessous) !

Upro-G Challenge

Tâche sur un acte

#projet52uprog

En juillet 2015, la maison de ma grand-mère maternelle a brûlé. Le grenier et l’étage ont été complètement détruits.

Dans les décombres, ma grand-mère a sauvé plusieurs choses qui lui étaient chères, qui ont miraculeusement échappé aux flammes : une partie des photos de famille, des livres, une photo d’un de mes ancêtres pendant son service militaire chez les cavaliers.

Elle a également réussi à retrouver une série d’actes notariés concernant la famille de mon grand-père paternel, 25 pour être précise, allant de 1823 à 1971.

Et elle me les a donnés… J’ai découvert leur existence à ce moment-là, j’ignorais que ces actes étaient dans sa maison. Elle n’en avait jamais parlé, sûrement en se disant que cela n’intéresserait personne.

Le choc de l’incendie lui fait voir les choses différemment, et ces actes représentent une partie de la vie de ma branche maternelle. Par les actes notariés, on peut apprendre beaucoup sur le style de vie des gens, leurs biens, leurs pérégrinations.

Je vous raconterai bientôt l’histoire de la branche Fièvre (famille de mon grand-père maternel) à travers le prisme des actes notariés. Ils donnent une autre dimension au récit, car ils parlent très souvent de choses très concrètes, des « terre-à-terre ».

La tâche que vous voyez sur cette quittance de 1868 est due à la suie de l’incendie, et aussi à l’eau des pompiers. Ma grand-mère et ma mère ont eu le réflexe de mettre ces actes à sécher chez mes parents, en les étalant et en les ouvrant, ce qui a sûrement évité le développement de moisissures.

Elles sont un peu des sauveuses d’archives familiales ! Merci à elles !

Quittance de 1868
Upro-G Challenge

Une signature ancienne

#projet52uprog

L’Union professionnelle de généalogistes (l’Upro-G), dont je fais partie, nous propose de participer à un challenge basé sur la diffusion d’une photographie en lien avec un thème imposé.

Cette semaine : « Signature ancienne »

J’ai donc commencé à regarder les actes de ma généalogie. Je dois avouer que jusqu’à aujourd’hui, je faisais assez peu attention aux signatures des actes (à tord, sûrement). Je me suis alors aperçue que la plupart de mes ancêtres (toutes branches confondues ou presque) ne savaient pas signer. Et ce jusque tard dans le XIXe siècle. Je n’ai pas encore étudié précisément les raisons potentielles de cela (tiens, voilà un nouveau sujet d’études !).

Toutefois, j’ai trouvé une exception ! Il s’agit d’un de mes aïeux directs, de ma branche maternelle, Alexandre Grelet, qui signe ici l’acte de naissance de son fils, Louis François, en 1831. Sa signature est franche et directe.

Et de votre côté, quel rapport entretenez-vous avec les signatures que vous pouvez trouver ? Vous font-elles imaginer les caractères de vos ancêtres ?