Épisode 3/3
Si vous avez manqué le début : épisode 1
Louis DAVID est arrêté le 16 octobre 1937, incarcéré à Nantes, puis à Fresnes, et enfin à Ensisheim (près de Mulhouse). Le 10 octobre 1938, il est amené à l’Ile de Ré d’où partent les bateaux pour la Guyane. Le départ est prévu le 22 novembre 1938, de Saint-Martin-en-Ré, il se fera finalement le lendemain, pour cause de mauvaise météo.
Un article de presse de l’Ouest-Eclair nous raconte ce départ :

609 condamnés embarquent, le bateau prend le large à 17h. Les prisonniers débarquent le 13 décembre dans le port de Saint-Laurent-du-Maroni.
A partir de là, pour continuer mes recherches, je me suis tournée vers les Archives nationales d’outre mer (ANOM) basées à Aix-en-Provence. Ce dépôt d’archives conserve notamment les dossiers individuels des condamnés au bagne. Toutefois, ne pouvant pas m’y rendre directement, j’ai fait appel à une connaissance sur place qui a fait des photographies du dossier de Louis DAVID.
Le dossier individuel de Louis DAVID nous apprend une multitude de choses quant à son séjour à Saint-Laurent-du-Maroni.
Commençons par les notices individuelles établies pour chacune des condamnations ayant valu à Louis la relégation. Au 16 novembre 1937, Louis a 9 condamnations antérieures. La dernière, pour vols, a eu lieu au Tribunal de Nantes le 03 novembre 1937. 6 mois de prison et la relégation. On y apprend également quelques éléments de sa vie : Louis est cultivateur à son compte, à Blain. Toutefois, il n’a pas d’exercice réel de sa profession, vit dans l’oisiveté et est apte au travail. De plus, il vit d’expédients, ne participe pas à l’entretien de sa famille. Il est également mal noté dans sa commune, pratique le libertinage et la débauche, et ne vit pas en concubinage.
Sur la notice suivante, datant du 01 décembre 1937, Louis est sans profession et s’adonne à l’ivrognerie, en plus de tous les éléments ci-dessus. On apprend également qu’il est interdit de séjour dans l’arrondissement de Nantes, interdiction qu’il a, apparemment, bravée.

On lit également qu’il est « apte à la relégation et au travail, et peut être utilement employé dans les travaux de culture ».
Les prisonniers relégués sont classés en deux catégories de relégation : l’individuelle et la collective (pour plus de précisions, c’est ici).
Pour déterminer la catégorie dans laquelle le prisonnier est placé, une Commission de classement étudie chaque cas et donne un avis. Dans le cas de Louis DAVID, le directeur de la prison d’Ensisheim, ainsi que le Préfet de Loire-Inférieure émettent un avis favorable à la relégation collective. La Commission de classement du 08 novembre 1938 confirme cet avis : « pas lieu d’admettre au bénéfice de la relégation individuelle, ni de lui accorder de dispense de départ, a lieu de le diriger vers la Guyane ». Louis DAVID est, selon ce même avis, en « bon état général, sans ressources et voleur incorrigible ». Il est classé en relégation collective.
Comme nous l’avons vu plus haut, Louis DAVID arrive en Guyane le 13 décembre 1938. Pendant environ une année, Louis DAVID ne fait pas parler de lui. Au début du mois de novembre 1939, il est arrêté « sur la route du chantier forestier avec son co-relégué Durnstein, possesseur de palettes qu’ils venaient de dérober » (mention faite sur le bulletin de demande de punition daté du 13 novembre 1939 inhérent à cette arrestation). La condamnation suite à ce méfait est de 15 jours sans salaire, par la Commission disciplinaire du 18 novembre 1939.

Le 27 février 1940, Louis DAVID est de nouveau condamné à 6 mois de détention pour escroqueries par le tribunal de première instance de Maroni.
Le 24 septembre 1939, Louis DAVID s’évade. Il est signalé par procès-verbal de constatation d’absence du 25 septembre 1939. Il part de Saint-Louis, traverse le fleuve Maroni grâce à des membres de la tribu Bosch, qui échangent sa traversée contre sa vareuse de laine. Il a ensuite travaillé pendant 21 jours pour une tribu bosch, puis 33 jours pour la police hollandaise. On trouve ces éléments rapportés par Louis DAVID lui-même dans le rapport de son interrogatoire ayant eu lieu le 18 novembre 1940. Il est ensuite condamné à 18 mois de prison et 31.20 francs d’amende le 26 novembre 1940.
Au début de l’année 1942, Louis DAVID engage une procédure de demande de libération conditionnelle auprès du Procureur. A cette époque, il est en mauvaise santé, la malaria sévit dans le camp. Pas moins de quatre échelons administratifs sont à gravir, quatre avis sont à obtenir avant la décision finale : la Commission disciplinaire de dépôt de relégation le 27 janvier 1942, le juge de paix le 24 mars, le Procureur général le 04 avril et le Chef des services pénitentiaires coloniaux le 15 avril. Tous ces avis sont défavorables. Louis DAVID a été condamné à 45 jours de cellule pour « dissipation d’effets et mauvaise volonté au travail, et défaut de tâche ». Il est également qualifié de « travailleur médiocre », et on juge qu’il « ne mérite pas la faveur qu’il sollicite ». Le Gouverneur rend sa décision finale le 15 juin 1942 : « Rejeté ».

Louis DAVID meurt le 10 mars 1942, à 05h30, « des suites d’une dysenterie aigüe chez un cachectique » (selon le bulletin de décès émis à Saint-Laurent-du-Maroni », soit trois mois avant que la décision le concernant soir rendue.
Ainsi se termine l’histoire de Louis DAVID, le bagnard de Cayenne.
Merci à Jean-Louis pour m’avoir permis de travailler sur cette histoire, j’ai appris beaucoup de choses sur le bagne, sur la relégation, sur les conditions de vie des prisonniers, sur le contexte historique de l’époque.